Origines de Saint-Casimir
de
Grondines
PAR THÉRÈSE LEDUC-SAVAGEAU
(source : Saint-Casimir, album souvenir 1847-1997 publié
à l’occasion des fêtes du 150e anniversaire en 1997)
À cette époque, les cours d'eau étaient les seules
routes et si, à l'exemple des premiers colonisateurs de la vallée
laurentienne, nous remontons le Saint-Laurent jusqu'à la hauteur
de Grondines et nous avançons dix kilomètres à l'intérieur
des terres, direction nord, nous arrivons à l'endroit où fut
érigée, il y a 150 ans, Saint-Casimir. La paroisse est une
des plus pittoresques du comté de Portneuf. Elle se situe à
la limite sud-ouest de ce comté, créé en 1829, par la
loi 9 du Bas-Canada passée sous le règne de Georges IV.
Le comté de Portneuf faisait autrefois partie du comté de
Hampshire. Celui-ci créé en 1792, comprenait alors six seigneuries
françaises parmi lesquelles la seigneurie de Saint-Charles-des-Roches,
nommée Grondines en 1646, et dont notre paroisse fit partie. Saint-Casimir
était alors une immense forêt vierge où vivaient l'orignal,
le chevreuil, le caribou (1), l'ours noir, le porc-épic et autres carnassiers
chassés par une nation indienne qui habitait l'Île-aux-Hurons,
nommée aujourd'hui Île-Grandbois en mémoire des Grandbois,
pionniers et bienfaiteurs de notre paroisse.
Dans la seigneurie des Grondines, les premiers établissements français
remontent aux années 1720. Les débuts furent lents. La France,
dans le contexte du mercantilisme, préférait exploiter les
ressources de ses colonies plutôt que de les développer. Les
fourrures obtenues des Amérindiens et le bois, utilisé pour
la construction de bateaux ainsi que de tonneaux, servant au transport des
marchandises, lui rapportaient davantage que l'agriculture. Dans un tel contexte,
il n'est guère surprenant que les premières terres, notamment
celles sur la rive nord de la rivière Sainte-Anne furent concédées
à des spéculateurs qui n'avaient aucune intention de s'établir
sur ces lots. Certains individus, peu scrupuleux, ont même obtenu
des terres qu'ils revendaient par la suite à fort prix aux habitants.
Quant aux terres non concédées, elles relevaient du seigneur.
A l'époque, le partage des terres se faisait selon le mode seigneurial.
Le territoire était divisé en seigneuries à la tête
desquelles se trouvait un seigneur. Ce dernier, contre certains privilèges
et droits, devait voir au développement de la seigneurie et y établir
des colons, nommés censitaires. Les seigneurs étaient parfois
des gens que l'on voulait récompenser mais la plupart du temps ils
étaient militaires, explorateurs, développeurs ou les représentants
d'une communauté religieuse qui avaient à coeur le développement
du pays. Vers 1760, les communautés religieuses possédaient
le quart des 250 seigneuries concédées
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dans le Bas-Canada. C'est ainsi que le 1er décembre 1637, les Hospitalières
de Québec obtiennent de la compagnie de la Nouvelle-France une concession
d'une lieue de largeur le long du fleuve sur dix lieues de profondeur et
à laquelle s'est rajoutée une autre concession parallèle
de trois quarts de lieue de largeur, ce fut Grondines.
Le seigneur avait intérêt à rentabiliser sa seigneurie.
Il concédait des lots à des censitaires, contre certaines
redevances dont le paiement du cens, une sorte de taxe; il avait le monopole
du moulin “à farine” et certaines obligations dont celle de bâtir
moulin et manoir et de rendre compte à l'État de ses revenus.
Il était respecté des paroissiens. Quant aux censitaires,
ils avaient le droit de mouture, droit de coupe du bois, en laissant certains
billots de chêne destinés à la construction, en plus
d'une à quatre journées de corvée sur les terres du
seigneur. La plupart des terres de nos ancêtres furent ainsi obtenues
selon le mode seigneurial. Ce régime fut aboli en 1854 par une loi
du Parlement du gouvernement de l'Union. Le cadastre officiel des municipalités
prit force en mars 1879. Avant 1855, date de son incorporation, la municipalité
de Saint-Casimir était administrée au civil comme au religieux
par le curé de la paroisse et trois marguilliers ou francs-tenanciers.
Les premiers furent Jérôme Grandbois, Joseph Dusablon et Pierre
Gendron.
Pendant quelques années, notre paroisse fut nommée les Rapides
puis "Saint-Casimir" de Grondines”. Nos ancêtres péradiens
s'établirent sur les rives de la rivière Sainte-Anne qui était
“rapideuse” à certains endroits... et pour les besoins du culte,
les habitants sont desservis par les prêtres de Sainte-Anne qui les
accueillent bien et dans une moindre mesure par ceux de Grondines. Le refus
des colons des Rapides de payer leur dîme à Grondines amène
plusieurs démêlés avec l'archevêché de
Québec et même avec le seigneur qui craint de perdre des revenus
appréciables. Les gens ressentent de plus en plus le besoin d'avoir
leur paroisse à eux.
De plus, les communications sont longues et difficiles. D'une part, vers
Sainte-Anne-de-la-Pérade, éloignée pour certains de
dix à douze milles, seuls les hommes valides peuvent s'y rendre par
un chemin longeant la rivière souvent gonflée par les eaux.
Les vieillards, les femmes et les enfants ne peuvent faire face à
de semblables fatigues et restent confinés dans leurs pauvres logis
des années entières sans voir le clocher de leur église.
D'autre part, pour se rendre à Grondines, la route construite à
travers bois par le seigneur et à grands frais, comme il dit, n'offre
rien de plus attirant. Le seigneur Hamelin était intéressé
à ses finances personnelles plus qu'au bien-être de ses censitaires.
Il faut dire que le moulin à farine de la seigneurie était
bâti à la sortie de cette route à Grondines. Un citoyen
de l'an 1900 nous parle de ce chemin: “La route de Grondines à Saint-Casimir
passait par des savanes inondées par la fonte des neiges du printemps.
Il y avait aussi des fonds de roc qui perçaient à travers
le chemin. L'hiver, la neige s'amoncelait à cause de la négligence
de certains cultivateurs. Il fallait au printemps gratter le chemin pour
enlever le fumier des chevaux qui empêchait la neige de fondre.” Que
penser de ce chemin 60 ans avant et en pleine forêt? Cette route fut
délaissée en 1862.
Nous comprenons les désirs bien légitimes de ces colons.
Les familles sont nombreuses et pour survivre, ils doivent lutter contre
la forêt cherchant à tirer du sol vierge les choses nécessaires
à la vie et par le fait même ils connaissent l'éloignement
des services primordiaux. En 1788, dans une lettre, le sieur Hamelin portait
à 30, le nombre de défricheurs établis sur les rives
de la Sainte-Anne. Ce sont, sur la rive nord les Gendron, Langlois, Leduc,
Richard, Saint-Germain, Tessier; et sur la rive sud les Douville, Leboeuf,
Lemire, Tessier, Vallée et autres.
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Les débuts furent lents et difficiles mais rien n'arrête ces
valeureux colons. Le développement continue sur les rives de la Sainte-Anne.
Un demi-siècle s'est écoulé et une population suffisante
s'est maintenant formée à l'endroit où les rivières
Noire, celle-ci déjà alimentée par la Blanche plus
en amont, et la Niagarette se jettent dans la Sainte-Anne. En 1835, plus
de 188 terres sont déjà concédées et 80 sont
habitées par autant de familles formant une population de 450 âmes
dont plus de 200 communiants. On parla pendant quelque temps de bâtir
une église aux Rapides, mais l'évêché ne retint
pas cette idée(2). Le 28 novembre 1835, Mgr Signay, évêque
de Québec, recevait une requête de la part des tenanciers de
cette partie de la seigneurie des Grondines, vulgairement connue sous le
nom de Rapides, dans le comté de Portneul, district de Québec,
demandant l'érection d'une paroisse à cet endroit dans la
dite seigneurie. Désirant se rendre à la demande des requérants,
Mgr Signay en date du 18 décembre de la même année,
donnait mission au révérend F-X. Côté, curé
de Sainte-Geneviève-de-Batiscan, de se rendre sur les lieux, de vérifier
les allégations de la requête et d'en dresser le procès-verbal.
Fidèle à sa mission, le curé de Sainte-Geneviève
se rendit à l'endroit désigné le 7 janvier 1836 et là,
constatant et vérifiant dans toutes leurs parties les faits énoncés
dans la requête, fit à Mgr l'évêque de Québec,
un rapport proposant d'ériger une nouvelle paroisse dans cette partie
de la seigneurie des Grondines. C'est alors que le 18 février 1836,
Mgr Signay lança son décret érigeant canoniquement cette
partie de la susdite seigneurie sous le vocable de Saint-Casimir.
Mais, disait monseigneur: “Comme le présent décret est purement
ecclésiastique et ne peut avoir d'effets civils qu'en autant qu'il
sera revêtu de lettres patentes de Sa Majesté, nous recommandons
très positivement aux nouveaux paroissiens de la dite paroisse, qu'ils
aient à se pourvoir à cet effet auprès de Son Excellence,
le Gouverneur de la Province.”
Or, nous savons que cette époque fut bien troublée pour notre
jeune pays. L'Angleterre craignant de perdre sa colonie durant la révolution
américaine, avait adouci sa politique à notre égard
par l'Acte de Québec de 1774 qui fut suivi, en 1791, par une nouvelle
constitution. Mais les lacunes de l'Acte constitutionnel de 1791 ne tardèrent
pas à exaspérer le peuple dont une partie se révolta
en 1837. Ce sont sans doute ces événements et un peu d'apathie
de la part de nos pères qui ont fait qu'on ne répondit pas
immédiatement à la recommandation expresse de l'évêque
de Québec.
Les nouveaux paroissiens de Saint-Casimir continuèrent donc à
s'adresser à Sainte-Anne-de-la-Pérade pour les besoins du culte,
pour le secours aux malades ou aux mourants car ils n'ont pourtant pas encore
de curé. Il leur faut d'abord construire une église et un
presbytère décent. Les gens sont pauvres et doivent attendre
encore près de dix ans. Puis l'espoir renaît grâce à
la générosité de plusieurs bienfaiteurs dont le notaire
Louis-Casimir Dury de Sainte-Anne et à l'aide apportée par
le curé lui-même qui obtint de l'archevêché la
permission d'attribuer des fonds de la quête pour la “Propagation de
la foi” à ses chers citoyens de Saint-Casimir.
Enfin, à l'été de 1841, nous voyons le curé
de Sainte-Geneviève, sur l'ordre de l'archevêque de Québec,
convoquer de nouveau les paroissiens de Saint-Casimir à une assemblée
afin de fixer l'endroit où une chapelle devrait être construite
et d'aviser aux moyens de la construire. En 1843, on commence à bâtir
cette chapelle sur l'emplacement du presbytère actuel. D'ailleurs,
au sous-sol, cette année 1843 est inscrite sur une pierre du solage.
Le grenier servira de logement pendant les trois années de cure de
l'abbé Larouche ainsi que pour Son successeur l'abbé Jean-Noël
Guertin, jusqu'en 1857. Le curé Brien de Sainte-Anne avait aussi
veillé à la construction des dépendances à l'usage
du curé, comme les hangars, granges, étables. L'écurie
et la remise sont terminées.
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Le cimetière est entouré de pieux de six pieds de hauteur.
Pour ce qui est de la cour et du jardin, on y trouve de l'eau à trois
ou quatre pieds de profondeur et il est facile d'y creuser un puits. On
possède aussi la brique devant servir à la construction d'un
four. La chapelle est propre et bien éclairée. Tout est prêt.
Le 9 octobre 1847, cette première chapelle fut bénite par
le révérend Thomas Larouche, premier curé de Saint-Casimir,
qui y offrit pour la première fois le Saint-Sacrifice. On peut imaginer
facilement la joie qui déborda de l'âme de toutes ces pauvres
familles à cette occasion. Trois jours plus tard, avait lieu la célébration
du premier mariage à Saint-Casimir. C'était celui de Narcisse
Grimard, fils majeur de Jean-Baptiste Grimard, cultivateur de Sainte-Anne,
et d'Agathe Dusablon, fille mineure de feu Pierre Dusablon et de Josette
Tessier de Saint-Casimir. Le premier baptême eut lieu le 18 du même
mois; c'était celui de Marie Tessier, enfant de Xavier Tessier, cultivateur
et de Geneviève Leduc. Les premières sépultures furent
celles d'un enfant de sept ans, Georges Langlois, enfant d'Eugène
Langlois et d'Émilie Langlois, et de François, fils de François
Martin et de Josephte Gaulin, décédé le 28 octobre
à l'âge de huit mois. La première sépulture d'adulte
fut celle d'Émilie Lamothe, épouse d'Olivier Tessier, cultivateur,
décédée le 20 décembre à l'âge
de 26 ans. Du 1er octobre au 31 décembre, on enregistre 14 baptêmes,
cinq sépultures et un mariage. Pour l'année 1848, on note
60 baptêmes, 12 sépultures et quatre mariages. Le 9 juin 1850,
Jérôme Grandbois rend compte de sa gestion des deniers de la
fabrique pour l'année 1848. Les recettes totales se chiffrent à
$552.38 et les dépenses totales à $542.25.
De son côté, le curé Larouche se dévoua complètement
au bien-être de ses ouailles. Il se hâta de visiter chaque famille,
prodiguant à tous, les conseils et les bons avis que sa charité
et son bon coeur lui suggéraient. “Bien de plus édifiant que
de voir le jeune curé parcourir la paroisse entière, la plupart
du temps à pied, par des sentiers à peine tracés à
travers la forêt. C'était le Bon Pasteur allant à la
recherche de ses “brebis” (3)
Nos ancêtres ont créé Saint-Casimir par leur amour
du sol, leur entraide familiale et un grand courage. Je comprends mieux
tout le sens de cette strophe chantée par Casimir Lanouette (4) à
famille rassemblée, pour la joie des petits et des grands:
Il faut partir peine cruelle,
Les beaux jours sont passés pour moi
Dans ce pays où Dieu m'appelle
Comment m'éloignerais-je de toi?
Adieu, toi que j'aime,
Adieu, mon bonheur
En résumé, l'érection canonique de Saint-Casimir date
de 1836, la construction de la première chapelle-presbytère
remonte à 1843, l'érection civile de Saint-Casimir est décrétée
par le Gouverneur le 18 juin 1845, puis l'arrivée du premier curé
qui ouvre les registres d'état civil se fait en 1847. Parmi toutes
ces dates, c'est l'année 1847 qui est retenue pour souligner en 1997
le 150e anniversaire de Saint-Casimir.
1.- Les colons avaient appris d'"indiens" quelque peu braconniers,
à capturer le caribou en le cernant et en
le poursuivant vers le "Cap" de
la montagne où se dressait une falaise de 150 pieds
2.- Source, le Bulletin paroissial nommé Le Pays natal
3.- D'après le Bulletin paroissial Le Pays natal
4.- Casimir Lanouette, fils de Prime,
était cantateur de salon et chantre à l'église.
Vous êtes
le  e visiteur, merci !
crée le 10 novembre 2002